mardi 27 octobre 2020

Le Deuil

 De Delphine Serpentine


Nous n’échappons jamais à la règle immuable dont Clarissa Pinkola Estes traite dans Femmes qui Courent avec Les Loups. Nous appartenons à un cycle Vie-Mort-Vie. Et encore l’établir de cette façon relève d’une perception spirituelle liée à notre chemin que nous qualifions de païen.

En cette période de descente en nous-même, nous avons à célébrer nos Ancêtres, nos Anciens et nos disparus. Peu importe qu’ils soient partis depuis longtemps ou non de l’autre côté du Voile. Ceci dit je crois et pense que toutes les pertes (amoureuses, professionnelles et les échecs personnels) représentent des deuils avec lesquels il faut composer.

Je vous propose d’aborder ensemble ce sujet afin de pouvoir affronter ces épreuves incontournables dans l’Abred.

Les étapes du Deuil

Première recherche : mais qu’est-ce que le Deuil ? Quel est son fonctionnement ?

Google m’offre la réponse de Wikipédia qui, ma foi, n’est pas inintéressante puisqu’elle permet de cadrer le mécanisme psychologique lié à une perte.

« Elisabeth Kübler-Ross a élaboré un modèle qui est très diffusé, sans qu'il ait été cependant démontré scientifiquement. Il fait l'objet de nombreuses transpositions et adaptations très contestées. Il s'agit d'un cycle théorique composé de cinq étapes :

1. Choc, déni : cette courte phase du deuil survient lorsqu'on apprend la perte. La personne refuse d'y croire. C'est une période plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes. La personne affectée peut s'évanouir et peut même vomir sans en être consciente. C'est en quittant ce court stade du deuil que la réalité de la perte s'installe.

2. Colère : phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s'installer dans certains cas. Période de questionnements.

3. Marchandage : phase faite de négociations, chantages...

4. Dépression : phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse. Les endeuillés dans cette phase ont parfois l'impression qu'ils ne termineront jamais leur deuil car ils ont vécu une grande gamme d'émotions et la tristesse est grande.

5. Acceptation : Dernière étape du deuil où l'endeuillé reprend du mieux. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. L'endeuillé peut encore ressentir de la tristesse, mais il a retrouvé son plein fonctionnement. Il a aussi réorganisé sa vie en fonction de la perte.

 

Les cinq phases ci-dessus peuvent être linéaires mais il arrive souvent qu'un endeuillé puisse faire des retours en arrière avant de recommencer à avancer. Une bonne façon de traverser un deuil est de comprendre ce que l'on vit et de partager ses sentiments et émotions avec des proches ou des gens qui vivent également un deuil. Ces étapes ne se succèdent pas forcément.

Il ne s'agit pas d'un mécanisme inévitable. Certaines personnes peuvent quitter un deuil et passer à l'ultime étape de liberté d'action, sans que les sentiments qu'elles pouvaient porter puissent être considérés comme négligeables.

Le deuil est une réaction personnelle et collective qui peut varier en fonction des sentiments et des contextes. Cette réaction commence par le déni et se termine par une acceptation plus ou moins libérée du sentiment d'attachement qu'éprouvait l'endeuillé.

1. À l'annonce de sa propre mort, c'est au deuil de sa propre existence qu'il faut faire face.

2. Confrontés à la mort d'un proche ou d'une personne aimée ou appréciée, c'est un deuil relationnel dans lequel nous sommes entraînés.

3. Face à l'annonce ou au constat d'une rupture, le deuil relationnel peut provoquer des états comparables à ceux de la mort d'un proche.

Dans tous les cas, pour que le processus du deuil devienne actif, la condition est que le changement soit non-désiré. S'il s'agit d'un suicide, si le décès est espéré, si la rupture est attendue, le deuil est

soit déjà passé, soit il n'y a pas lieu de parler de deuil, soit il viendra à retardement... »

Nous voilà donc informées sur le sujet. Avoir connaissance et conscience des étapes n’enlèvent rien à la douleur. C’est certain. ...

Le sujet est peu abordé dans le monde païen, sauf évidemment lorsque l’événement survient et que les personnes échangent à propos des souvenirs et de la peine.

Pourtant notre chemin, encore considéré comme atypique voire sectaire par la plupart, présente des particularités qu’il est intéressant de remarquer.

 

Le Deuil dans la sphère païenne

 

Hors rituels, pochettes magiques, et séances de divination, qu’est-ce que notre foi apporte comme dimension à cet événement ?

La Mort est-elle la fin ou un autre commencement ? Ainsi Patti Wigington, une païenne bien en vue sur un site anglophone, pose comme question pour introduire le sujet.

Car évidemment, la perspective dans laquelle nous plaçons cela a toute son importance sur notre processus de deuil.

Cette perspective est une des bases qui différencie la perception païenne de la mort de celle d’un non-païen. Bien que dans toutes religions, il est souvent relaté une après-vie. Cependant la qualité de cet après dépend de nos actions lors de la vie. Nous considérons notre chemin dans un cycle de naissance, de vie, de mort et de renaissance comme une chose magique et spirituelle, sans fin, telle la roue qui tourne.

Nous intégrons donc cette étape à une évolution sacrée, comme l’explique Wigington.

Dans The Pagan Book of Living and Dying, Starhawk explique ainsi : « Imaginez si nous comprenions véritablement que ce déclin est la matrice de la fertilité ... nous pourrions voir notre propre vieillissement sans peur ni dégoût, et célébrer la mort avec tristesse certainement, mais sans terreur.»

De nombreux païens croient en une après- vie qui peut prendre différentes formes selon le système de croyance personnel.

Certains chemins néowiccans présentent l’après-vie comme un lieu nommé le Pays d’Eté (Summerland) que l’auteur Scott Cunningham décrit comme un endroit où les âmes partent vivre pour l’éternité.

Dans son livre dédié à la pratique solitaire de la Wicca, il écrit : «  Ce royaume n’est ni le paradis ni l’enfer. Il est tout simplement. Une réalité non physique, moins dense que la nôtre."


Certaines traditions wiccanes la décrivent comme un pays d’été éternel, aux prés herbus et aux douces rivières, peut- être la Terre avant la venue de l’homme. D’autres la voient comme un royaume sans forme, où les énergies dansent avec les plus grandes énergies, la Déesse et le Dieu sous leurs identités célestes. Pour certains non-wiccans, particulièrement les reconstructionnistes, ils peuvent définir le monde de l’après-vie comme le Valhalla ou Folkvangr pour les nordisants, comme Tir na Nog pour les celtisants ou l’Hadès – constitué de plusieurs plans selon la vie menée -pour les hellénistes. Pour les païens qui ne se définissent pas de voie en particulier, la notion que l’esprit et l’âme sont « quelque part » perdure, même si ils ne savent pas nommer ce lieu. 


Célébrer la mort, honorer un chemin

 

Alors que la population païenne prend de l’âge –et ce propos est illustré par le décès récent de Raymond Buckland, figure phare de la Wicca- il devient de plus en plus nécessaire de faire un point pour savoir comment dire au revoir à un ami païen, peu importe son chemin.

Que faire ? Quelle est la réponse appropriée ? Qu’est-ce qu’il est possible de faire pour honorer la croyance d’une personne sans heurter la sensibilité des amis et de la famille non païens ?

 

La Mort, partie intégrante du Cycle


La Mort est un événement fondamental dans la Nature, sans cela, la vie ne serait pas. Dès la naissance, les cellules de notre corps meurent et se renouvellent. Le corps qui meurt n’est pas le corps qui renaît. Lors de notre croissance, nous expérimentons ainsi plusieurs morts. Encore et encore nous changeons notre apparence, notre attitude, notre comportement comme si nous passions d’une vie à une autre. Cette personne morte est seulement une de nos facettes que nous avons incarnée.

 

Aperçus Sur l'Après-Vie

 

Alors que nous allons vers une meilleure compréhension de la Mort et de la Vie, la distinction entre les deux s’amenuise. Si nous allons au-delà du point de vue conventionnel sur la Mort, nous pourrions nous interroger sur notre propre peur de la Mort, enracinée dans un schéma de vie dépassé. Alors nous rechercherions une façon de percevoir la Vie et la Mort dans un ensemble. Il existe plusieurs façons de les aborder, comme un motif cyclique incluant nécessairement le changement.

1. La Roue de Vie : notre existence est un motif constant issu d’un changement cyclique. La Vie change à chaque instant jusqu’à la Mort, et chaque instant de Mort est une Renaissance.

Nous percevons les débuts et les fins mais le flux de l’existence est sans fin.

 2. Le Wavicle : la physique quantique explique qu' au niveau subatomique il n’y a aucune distinction entre la matière et l’énergie. Les deux possèdent les qualités des particules et vagues (wave en anglais) donnant ainsi naissance au concept de wavicle. Nous sommes des motifs perpétuels de l’énergie du cosmos. Ce que nous percevons comme étant la Mort des individus est tout simplement le mouvement infini de l’Univers.

3. L’Ascension : la Vie façonne différents niveaux de conscience, mais toutes ont un potentiel d’évolution. Les êtres humains peuvent manifester ce potentiel à un très haut degré. Nous pourrions devenir conscients des dimensions qui transcendent notre compréhension limitée de notre corps etde notre esprit, et vivre une expérience différente de la Vie et de la Mort.

Beaucoup de païens voient la Mort comme un passage plutôt qu’une fin. Un événement à célébrer qui ne doit pas faire peur ou être méprisé. Ceux qui restent en arrière avec leur deuil, sans atteindre l’extrême désespoir souvent vécu. Cette attitude tend à désoler ou effrayer beaucoup de personnes. Certaines cultures modernes dépense une énergie importante pour cacher ou ne pas parler de la mort.

Les païens mourants doivent faire face à la nécessité de dire adieu à ce monde et saluer le suivant. Le rituel peut avoir un rôle important dans ce processus, cela peut être une étude ou une méditation contemplative des possibilités à venir. Si nous n’avions pas de curiosité sur ce que peut advenir après la mort, nous nous aveuglerions sur ce que de nombreuses personnes croient sur la prochaine étape du voyage.

Explorer la Mort directement tend à produire une expérience bien plus positive que célébrer la Mort comme une chose non naturelle et terrifiante.

Pour les amis et la famille, le processus de Mort est aussi un voyage. Leurs devoir est de soutenir la personne mourante par tous les moyens selon ses vœux. Ils doivent être réceptifs aux besoins de la personne en partance, essayer de mettre en suspens leurs propres agendas. Prendre soin d’un mourant peut être inspirant. Il y a tout un ensemble d’actions que les païens peuvent mettre en place pour soutenir une personne mourante.

L’une d’elles serait de lire un texte sacré comme le Livre Tibétain des Morts ou le Livre du Départ, une poésie de circonstance ou jouer un morceau de musique apaisante. L’encens peut aussi apaiser et créer une atmosphère calme.

Souvent les vœux des mourants arrivent durant les derniers instants. S’ils souhaitent que la veillée soit solennelle ou festive par exemple.

Pour les païens, ce devoir sacré prend souvent une signification particulière, spécialement pour ceux au service d’un dieu ou d’une déesse associé à la Mort. Peu de personnes dans les cultures contemporaines comprennent cela, aussi tentez d’être sensible à leurs ressentis sans les laisser perturber l’événement. Lorsque la mort devient imminente, les membres de la veillée peuvent relever des signes de changement dans le comportement du mourant, le souhait soudain de se réconcilier avec une personne, pouvoir clôturer toutes choses en cours, l’absence brusque de douleur, et la famille devenant agitée et voulant se rapprocher ou s’éloigner du mourant. Un païen mourant est susceptible de savoir lorsque la mort approche ou de voir ses messagers ou guides. La meilleure expérience de la mort est une combinaison de joie et de chagrin.

 

Le travail de deuil, les premiers pas.

 

Quand nous prenons soin d’un mourant, nous pouvons oublier de prendre soin de nous. Mais nous devons nous souvenir de nous doucher quotidiennement, garder nos auras propres, dormir ou manger lorsque c’est nécessaire. Prendre des vitamines, se bouger, recevoir un massage, une coupe de cheveux, une manucurie...Aimez votre corps. C’est comme ça que vous guérissez.

Soigner peut débuter avant la mort de la personne. Trouvez des façons de vivre vos émotions que ce soit durant ou après la mort. Parlez à quelqu’un, écrivez sur votre ressenti, créez à partir de vos émotions. Si vous gardez les choses pour vous, vous exploserez.

Prenez vos dispositions à l’avance pour votre mort et votre inhumation, pas seulement pour avoir une plus grande chance de voir vos volontés respectées.

C’est une affaire nécessitant du temps, de l’argent et de l’énergie. Si possible faites vos plans avant d’être dans une situation de mort imminente.

Pour les païens, en Europe, la difficulté majeure est de trouver des groupes ou des organismes capables de prendre en charge et de mettre en œuvre leurs dernières volontés. Chez nos cousins américains, il existe désormais toute une gamme de services répondant aux attentes de nos frères et sœurs.

Cependant nous pourrions estimer qu’à partir de l’instant où le mourant fait partie d’un groupe dont les membres sont connus de la famille, les chances d’avoir les funérailles selon ses vœux augmentent. Quant à la dépouille ou aux cendres que nous laissons, il faudra faire avec la législation actuelle.

Préparer son dernier voyage nécessite aujourd’hui plus de faire une petite liste.

En voici une qui peut servir de base :

1- Mettez au clair vos souhaits. Souhaitez-vous suivre une tradition familiale ? Voulez-vous une prêtresse ou un prêtre de votre religion lors de votre veillée et de vos funérailles ? Quelle musique, quelles chansons souhaitez-vous ? Souhaitez-vous être nu ou habillé pour votre dernier voyage ? Que faire de votre dépouille ? Comment souhaitez-vous que vos biens soient répartis ?

2- Considérez ce que vos proches aimeraient aussi. Seront-ils à l’aise avec des funérailles païennes ? Vos frères et sœurs païens seront-ils à l’aise avec des funérailles chrétiennes ou plus œcuméniques ? Est-ce que certaines personnes de votre entourage proche et lointain se sentiront délaissés si vous optez pour une cérémonie privée ? Comment pouvez-vous combler leurs attentes sur leurs besoins de rapprochement et de mémoire ?

3- Quelles personnes aimeriez-vous avoir à vos côtés lors de vos derniers instants ? Souhaitez-vous des fleurs à vos funérailles et sur votre tombe ? Souhaitez-vous prendre quelques arrangements avec vos proches pour laisser des offrandes à vos défunts et se souvenir de vous ?

4- Informez-vous sur les aspects légaux et pratiques de vos vœux.

5- Procédez à une recherche sur ce qui s’est fait déjà pour d’autres païens passés de l’autre côté du Voile. Des idées et des contacts peuvent être dénichés.

6- Puis posez formellement votre plan par écrit. Contactez un notaire, si cela est nécessaire, pour entreposer et assurer la bonne exécution de vos dernières volontés.

 

Mourir n’est donc pas de tout repos donc. Assurons-nous de nous épargner des tâches d’autant plus pénibles pour nos proches et nous-même si notre fin de vie est difficile.

Cela laissera plus de temps pour partager sur les choses essentielles.

 

Sources : Death: From a Pagan Perspectivehttp://starfirescircle.com/death.html ; Patti Wigington, ThoughtCo.com


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