Le culte
de Bendis à Athènes et en Thrace
De Petra Janouchova
Traduction par Serpentine
La déesse thrace Bendis
a été honorée dans l' Athènes classique au point que son culte
devint très populaire aux Vème et IV ème siècles av. JC.
Cet
article explore les relevés historiographiques et archéologiques
disponibles sur l'existence de ce culte étranger dans la cité
grecque, et le compare au relevés en pays thrace.
Ces relevés
se limitent à une source grecque, ainsi une combinaison de preuves
archéologiques et iconographiques a dû être réalisée dans le cas
de la Thrace.
Le but de cet article est de déterminer et de
débattre de l'uniformité ou des potentielles divergences dans la
représentation de Bendis, aussi bien dans un nouveau contexte que
sur sa terre natale.
Les relations entre Bendis et sa contrepartie
grecque n'ont pas été écartées.
La déesse Bendis est
habituellement perçue comme une proto-divinité thrace typique
dont le culte fut mis en avant à Athènes durant le V ème siècle.
L'image donnée par les auteurs grecs est une des plus complètes et
cohérentes représentations concernant les divinités
thraces.
D'autre part, les sources du pays d'origine de Bendis
sont inexistantes ou confuses. Le fait est que nous n'avons aucune
source littéraire thrace, ce qui amplifie les divergences
d'interprétation des preuves archéologiques et épigraphiques qui
manquent d'uniformité dans cette étude sur la complexité de
Bendis.
Cet article présente l'image dichotomique de Bendis,
telle qu'elle est perçue à la fois à Athènes et en Thrace. Il
tentera de rendre un portrait cohérent afin de comprendre la nature
de cette déesse thrace.
Bendis
en Attique
En premier lier, j'explorerai la
représentation du culte de Bendis dans le monde grec, plus
particulièrement à Athènes.
Le culte de Bendis de Thrace est
mentionnée dans la première moitié du VI ème siècle par
Hipponax. Elle est comparée
à Kybele. Une autre occurrence dans la pièce de Cratinos,
Les Femmes thraces, et dans celle d'Aristophane, Les Femmes de
Lemnos, laissent supposer que Bendis était déjà bien connue des
athéniens dès la seconde moitié du V ème siècle.
Une des plus
importantes mentions provient du philosophe Platon rapportant
l'existence d'un culte à la fin du V ème siècle. Dans la
République de Platon, Socrate raconte une aventure de la nuit
précédente durant laquelle il alla prier avec son ami Glaucon au
Pirée, et qu'il vit la procession
du festival de Bendideia au port. Ils rencontrèrent incidemment
Solermantus et Polemarchus qui expliquent à Socrate la course de
chevaux à la torche et la célébration qui durera toute la nuit.
Il
est ensuite convaincu de rester pour la course de chevaux. Quand
Socrate évoque la procession, il mentionne son désir de voir de
quelle façon elle est réalisée cette inauguration au Bendideia.
En
accord avec la datation épigraphique, nous savons que l'introduction
du culte de Bendis se situe aux alentours de 429/430, ce qui la
rapproche de l'alliance établie entre les athéniens et le roi
thrace Sitalkes.
Les athéniens souhaitaient conquérir Chalcis
et les pays frontaliers à la Thrace, en se débarrassant
éventuellement du macédonien Perdicas et des thraces, notamment le
roi odysséen Sitalkes qui possédait une armée entraînée de
soldats et de cavaliers.
Pour gagner les faveurs de Sitalkes,
Athènes garantit la proxenia à Nymphodoros d' Abdère qui avait
épousé la sœur du roi odysséen. Nymphodoros aida à conclure
l'alliance entre Sitalkes et Athènes, et comme garantie de cet
accord la citoyenneté athénienne fut accordée au fils de Sitalkes,
Sadokos.
Il semble possible qu'en accord avec ce partenariat, le
culte de Bendis fut introduit à Athènes pour renforcer le lien
récemment établie.
Le fait d'introduire une divinité étrangère
et les incorporations subséquentes au sein de la religion étatique
fut sans précédant, et peut avoir même suscité des
bouleversements dans les groupes religieux d'Athènes.
La raison
d'un tel changement de la religion athénienne n'était pas motivée
cependant par la religion mais par la politique. Comme mentionné
plus haut, cette acte ne fut qu'une concession diplomatique afin de
s'attirer les faveurs et ressources du roi thrace.
La Thrace
était connue pour sa position stratégique et Athènes avant tenté
à plusieurs reprises de prendre le contrôle des pays thraces dès
le VI ème siècle. L'alliance avec Sitalkes fut l'une de ces
tentatives.
La date ante quem de l'introduction de Bendis est
déterminée par une inscription ( IE/383 en date de 429 av JC )
mentionnant la trésorerie liée au culte de Bendis, suggérant que
ce dernier était déjà établi à cette date.
En 404, nous avons
la certitude de l'existence d'un sanctuaire dédié à Bendis au
Pirée (XEN, hell, 2, 4, 11 .) localisé dans la partie orientale du
port, à proximité du temple d'Artémis Mounychia.
Nous savons
par d'autres sources épigraphiques que les thraces reçurent un
terrain pour y ériger un temple à leurs dieux au sein d'Athènes,
comme le demanda l'oracle de Dodone.
L'organisation de cet
événement fut à la charge de deux groupes religieux (orgones) qui
avaient également le pouvoir de commander des inscriptions (eg / G
II 1283 ) : une de la part des athéniens, une autre de celle
des thraces, probablement métèques.
Les thraces
furent autorisés à honorer Bendis selon les coutumes de leur pays
et selon la loi d'Athènes. Le festival était célébré les 19 et
20 du mois de thargelion, avec comme événement principal le jour de
la procession (pompe) qui débutait au prytané pour finir au
sanctuaire sis au port. La course aux torches du soir et la
célébration nocturne étaient suivis d'un sacrifice dans le
sanctuaire.
L'inscription IG II 1283 confirme également
l'incorporation de ce festival dans le système religieux athénien.
Plusieurs dispositions officielles existaient afin de financer la
célébration. La date de cet acte était probablement plus tardive
que l'introduction du culte lui-même, et une des dates possibles
pourrait être 413, comme évoqué précédemment.
Le sanctuaire du
Pirée ne fut pas le seul de l'Attique. Un petit sanctuaire privé a
peut-être été localisé à Laurion et aurait été en fonction à
la fin du IV ème siècle. Plusieurs statues votives et une
inscription au pied de l'une d'elles (SEG 39, 210 à 300) furent
découvertes dans des mines d'argent où des thraces
travaillèrent.
Un autre culte actif fut confirmé par des
inscriptions sur l'île de Salamine (IG II 1317 b ; SEG 2, 9 ;
2, 10 ; 44, 60, milieu du IV ème siècle ), sous la forme de
décrets publiés par un corps organisateur (thiase) composé de
non-citoyens aux origines et affiliations inconnues.
Iconographie
de Bendis et son association à Artémis
Peu
d'ex-voto représentant Bendis furent trouvés dans les sanctuaires
susmentionnés. Elle fut également représentée sur la vaisselle en
Attique parmi d'autres divinités, comme sur une coupe datant de 430
environ ou encore sur un skyphos de la fin du V ème siècle.
Sur
une représentation retrouvée en Attique, Bendis apparaît vêtue
d'un chiton court avec une ceinture et un manteau (zeira ), une cape
en fourrure de renard (alopkeis) et des bottes. Souvent brandissant
deux lances ou d'autres armes, elle semble prête pour la chasse.
La
représentation avec la double lance est particulièrement importante
car les sources littéraires dépeignent Bendis comme
dilonkhos
(avec deux lances). Quelquefois elle brandit une
patera
dans sa main, ou d'autres récipients destinés à recueillir le sang
des taureaux sacrifiés. Ainsi par ses caractéristiques, elle a été
fréquemment identifiée à la déesse de la chasse Artémis.
En
plusieurs occasions, elle est aussi associée au héros guérisseur,
Deloptes, trouvé non loin d'elle sur des reliefs ( tel celui du
Carlsberg Glypotek, Copenhague, IN 462, 329 – 328 av JC où Bendis
reconnaît deux serviteurs du temple pour leur piété. ) montrant
une procession d’athlètes nus (probablement les vainqueurs de la
course aux torches) du festival Bendideia.
Bendis y est
représentée telle Artémis avec tous les attributs de la
chasseresse.
La ressemblance frappante entre Bendis et Artémis
était bien connue durant l'Antiquité. Mais pour découvrir la
nature de cette ressemblance, il est essentiel de comparer maintenant
Bendis à Artémis Mounychia, particulièrement par le biais de leurs
sanctuaires dont la proximité sur le port est loin d'être
accidentelle.
Dans la
littérature classique et les traditions tardives, Artémis était
dépeinte comme une chasseresse, une sauvage et indomptable divinité
de la nature, une jeune vierge. Artémis Mounychia, cependant,
différait de cette image classique. Les caractéristiques de cette
Artémis particulière étaient en fait plus semblables que celles de
la déesse lunaire Hécate et de son culte.
Dans la tradition
classique, le jour dédié à Artémis était le 6 ème du mois,
toutefois le festival de Mounychia avait lieu le 16 ème jour du mois
de Mounychion. Lors de la pleine lune qui est aussi un élément du
culte à Hécate.
Durant la procession de Mounychia, des gâteaux
ronds décorés de petites torches étaient offerts à la déesse,
une correspondance directe avec la course aux torches du culte de
Bendis. Un autre fait au sujet des croyances pré-classiques est que
le sanctuaire d'Artémis Mounychia a toujours été lié au culte
d'Artémis Brauronienne, honorée par de jeunes athéniennes non
mariées qui se déguisaient en ourses.
Il est dit que l'ourse est
le seul élément originel ayant perduré du culte artémision dont
les origines remonteraient au néolithique, une période plus proche
de la nature, de la vie sauvage, de la protection de la vie et des
pouvoirs de guérison. Les filles de Mounychia rendaient leur culte
de la même façon que celles de Brauron, et ce fait nous est suggéré
comme étant la pratique la plus ancienne dans le culte rendu au
Pirée, probablement avant les guerres perses.
C'est dans ce
contexte de proximité avec le culte d'Artémis Mounychia que nous
commençons à comparer puis reconstituer les caractéristiques que le
culte de Bendis put avoir à Athènes.
En étudiant les sources,
il apparaît qu'Artémis Mounychia était alors une divinité
protectrice connectant les femmes au cycle lunaire, représentant le
mariage et la fertilité ainsi que la protection de l'homme et de la
nature.
La proximité
physique des temples de Bendis et d'Artémis Mounychia, ainsi que les
similarités des activités tenues lors des festivals (comme la
torche en relation avec le cycle lunaire) suggère un lien sur
l'orientation de ces cultes, s'agissant là d'une considération
essentielle pour toutes les explorations sur le culte de Benddis dans
un contexte étranger.
Bendis, avec ses trois sanctuaires et sa
célébration annuelle, devint alors l'une des divinités étrangères
les plus populaires en Attique durant la période classique bien que
son introduction est liée aux affaires étrangères et diplomatiques
en Méditerranée plutôt qu'à une volonté athénienne d'accepter
une divinité thrace peu connue dans le système religieux
étatique.
Son culte était très populaire comme en atteste la
célébration de Bendideia au Piré, un festival décrit par Platon
même.
La dernière référence à ce culte date du III ème
siècle puis il semble disparaître pour des raisons inconnues. Nous
sommes très bien renseignés sur l'organisation du festival de
Bendideia par des sources grecques variées, cependant la nature du
culte et sa relation à Artémis demeure un puzzle qui ne sera
peut-être jamais complété. Par des preuves à la fois directes et
indirectes, il apparaît que Bendis était souvent associée à
Artémis pour leurs caractéristiques communes. La période précédant
la période dite classique, Artémis est connue non seulement comme
chasseresse et en tant que jeune femme assoiffée de sang mais aussi
comme déesse de la nature et protectrice de cette dernière. Elle
était originellement une déesse terre associée à la vie sauvage
et à la naissance, ainsi que dans le culte d'Artémis Mounychia. Par
l'influence contextuelle, son image évolua vers celle d'une sauvage
chasseresse dont le sacrifice humain dans le culte joua un rôle
malgré la nature différente du culte originel.
En
conséquence, sur la base des preuves et des similarités entre les
cultes d'Artémis et de Bendis, nous pouvons penser que Bendis fut
perçue par les Athéniens comme une divinité protectrice proche de
la nature et des cycles féminins.
Bendis
en Thrace
Comme il a été
mentionné précédemment, il est nécessaire de prendre en compte
l'athénocentrisme des textes historiques décrivant le culte de
Bendis. Aucune source littéraire thracienne ne nous est parvenue,
ainsi la seule perspective historique que la Thrace est
grecque.
Hérodote évoque brièvement les thraces au début de
son cinquième livre ( 5.3 – 5.10 ) où il décrit la religion
thrace en deux phrases à peine. Il déclare que les thraces ne
croient en aucun dieu à l'exception de Dionysos, Arès et Artémis.
Les nobles honorent également leur ancêtre, Hermès.
Bendis
n'est pas mentionnée une seule fois bien que les érudits
soutiennent uniformément qu'Hérodote, dans ce passage, décrivait
Bendis qui était souvent identifiée à Artémis.
La raison
possible pour laquelle Hérodote choisit de décrire la déesse
comme étant Artémis à la place de Bendis était dû à son
lectorat largement grec pour lequel il était plus aisé d'envisager
une représentation d'Artémis plutôt que celle d'une déesse
thrace inconnue.
La preuve de l'existence d'un culte de Bendis
n'est attesté nul part en Thrace. Titus Livius mentionne un temple
dédié à Bendis (Liv. 38.41.1) mais aucunement si le culte était
actif durant la période romaine. Jusqu'à ce que ce temple soit
découvert, nous savons seulement de façon approximative qu'il est
sis non loin de la rivière Hébrus (Maritsa ) dans les environs de
Cypsela.
Aucun autre lieu de culte ou sanctuaire en Thrace lié à
Bendis n'est connu actuellement. Les temples dédiés aux divinités
hellènes identifiées à Bendis seront signalés à la suite.
Les
documents épigraphiques survivant provenant de Thrace ne confirment
pas également un culte de Bendis. Aucune dédicace à la déesse n'a
été mis à jour, et la seule preuve tient en quelques exemples
tirés du nom Bendis, sans être jamais adressés à la déesse dans
un contexte religieux.
Dans la région égéenne, des noms propres
dérivés étaient en usage tel que Bendidoros, Bendidora,
Bendipharés, Bendizeta, Debabenzis et d'autres encore.
Géographiquement, la répétition de ces noms est limitée aux
régions voisines de l'Attique et de la Thrace telles que l' Eubée,
la Macédonie, Thasos, Aimos, en Maronée, Byzance et les régions
du nord de l'Asie Mineure.
Ces monuments épigraphiques sont
habituellement datés des périodes hellénistique et tardives, mais
rien ne peut être dit sur l'existence d'un culte durant la période
classique.
Les onomasties du nom peuvent laisser supposer de façon
indirecte de l'existence d'un culte. La seule trace épigraphique
révélant une possibilité d'un culte vient de Samothrace, une île
souvent associée aux colons thraciens.
Récemment publié, un
graffiti donne une piste, dans le cadre d'une restauration, d'une
possible dédicace à Bendis démontrant ainsi l'existence d'un
sanctuaire sur Samothrace. Comme le nom de la dédicace est une
supposition d'une restaurateur et qu'il s'agit de la seule occurrence
présente sur l'île, l'existence dudit sanctuaire reste encore à
prouver par des recherches approfondies ultérieures. Cela ne peut
donc être pris comme un fait irréfutable.
Iconographie
de la Bendis thrace
Le fait que le
culte de Bendis n'est pas mentionné dans la culture écrite ne
signifie pas qu'aucune matériel n'apporte aucune lumière sur la
présence de la déesse en Thrace. Malheureusement la seule
iconographie connue provient de l'Attique et non de Thrace.
D'un
autre côté, nous avons plusieurs monuments épigraphiques thraces
arborant un relief de divinité féminine habituellement identifiée
comme Artémis, Artémis Basileia et quelquefois comme Bendis la
Grande Mère.
Aucune de ces œuvres cependant ne mentionnent
spécifiquement Bendis. La seule preuve de sa présence tient dans
les ressemblances figuratives basées sur l'iconographie en
Attique.
Sur la base de l'étude de ces reliefs, nous pouvons
dégager deux catégories iconographiques.
La première est celle
d'Artémis-Bendis hellénisée. Cette figuration provient des
périodes post-hellénistiques où elle est toujours associée à la
déesse grecque de la chasse Artémis.
Les reliefs
d'Artémis-Bendis apparaissent sur des tablettes votives du sud-ouest
de la Bulgarie, de la vallée de Struma et les rivières Vartar et
Mest, l'ouest de Rhodopes et les environs de Philoppopolis, datant le
plus souvent du II ème et III ème siècles. La déesse est
iconographiquement similaire aux reliefs connus d'Artémis dans le
monde grec. Elle est représentée vêtue d'une robe courte, de
bottes hautes et d'une cape de fourrure. Souvent armée d'une lance
ou d'un arc, accompagnée de chiens ou de daims.
Le contenu des
inscriptions la décrivent comme une divinité protectrice des
enfants,
kourotrophos, et les monuments arborent souvent des
dédicaces par des cavaliers thraces.
Le second type
iconographique est celui de Bendis la Grande Mère. Cette
représentation pourrait remonter à une période pré-grecque dont
la tradition a survécu jusqu'à la période romaine. Depuis lors
nous n'avons aucune écrit ou trace épigraphique sur cette divinité
demeurant anonyme (La Grande Mère). Toutefois d'autres divinités
sont connues pour leurs ressemblances iconographiques avec la Grande
Mère (Potnia Theron, ou Mère Nature ou la Kybele phrygienne.
Cette
déesse est proche du culte de la fertilité, des unions et des
accouchements, ainsi que de la protection des animaux, de la
végétation et de la Nature en général.
Ces caractéristiques
sont identiques à celle d'Artémis en période archaïque et de
l'Artémis Basileia décrite par Hérodote dans le culte de fertilité
rendu par les jeunes filles thraces et péoniennes.
Suivant
le type iconographique, la divinité féminine est occasionnellement
représentée avec des attributs rattachés au culte de la fertilité,
tels que des pommes de pins et des épis de blé.
Sous l'influence
orientale, Bendis était souvent identifiée à des divinités
nocturnes : Cottyto, Cybèle et Hécate. Ces divinités étaient
souvent associées au cycle de vue et à la fertilité des femmes.
Egalement réputées pour les danses orgiaques nocturnes et leurs
célébrations. Ces déesses étaient connues pour leurs liens avec
la magie noire/sombre et au monde souterrain.
Sur l'île de
Lemnos, les adorateurs de la Grande Déesse (Aristophane, Les Femmes
de Lemnos, frg 368) pratiquent la magie noire/sombre accompagnée de
sacrifices humains.
Le lien entre la Grande Déesse de Lemnos et
Bendis est traditionnellement accepté. Il est souligné par une
représentation de la chasseresse sur un fragment de poterie de
Lemnos datant de la période archaïque. Comme dans le cas de la
Grande Déesse des sanctuaires sont souvent dédiés à d'autres
divinités féminines présentant des caractéristiques semblables
tout comme dans le culte de Bendis en Thrace.
Ces sites sont sis
aux frontières de la Thrace dans des secteurs où des ethnies
grecques et thraces cohabitèrent. A Oisyme et Neapolis, au VI ème ,
un petit sanctuaire est dédié à Parthenos, habituellement
identifiée à Athéna ou Artémis.
La situation est identique
dans le cas d'Artémis Phosphoros à Odessos. Ce qui est accrédité
par une dédicace à Phosphoros (IG Bulg I2 88, 2, II ème – I er
siècles). La présence de Phosphoros est aussi avérée à Byzance
où Bendis est couramment identifiée à la fois à Artémis et
Hécate.
D'autre part à Abdère, Bendis est seulement associée à
Hécate. La raison de ces associations est que les cultes de
Phosphoros et Hécate sont éclairés par des torches lors des
célébrations nocturnes, tout comme dans celle de Bendis à Athènes.
Phosphoros, signifiant « porteuse de torche » ou
« dispensatrice de lumière », est accordé à Artémis,
Hécate et Eos.
En terre thrace, le culte de Phosphoros fut
attesté à Kabyle, l'une des cités royales hellènes du III ème
Siècle par l'inscription SEG-42 : 6661, 300-320 av JC.
Malheureusement la localisation du sanctuaire de Phosphoros demeure
inconnue bien que la typologie iconographique soit bien connue des
monnayeurs de Kabyle. La divinité féminine apparaît tenant une
patera et des torches allumées qui deviennent l'un des
symboles de la cité durant l'Antiquité.

Les pièces de
monnaie frappées par les dirigeants de Kabyle adaptent cette
iconographie. Bien que le culte de Phosphoros soit couramment
identifié à celui d'Artémis, quelques uns des ces attributs
relèvent aussi à celui de Bendis. En particulier la torche longue
ressemblant à une lance, le chiton court et la patera tenue dans une
main.
Conclusion
Le caractère et
le développement du culte de Bendis en Attique est prouvée tant par
des sources littéraires qu'archéologiques. Elles présentent Bendis
comme un équivalent thrace d' Artémis, divinité de la nature
sauvage et protectrice de la vie. Leurs iconographies sont
similaires.
L'iconographie de Bendis semble dériver de celle
d'Artémis, avec, cependant, quelques spécificités telles que
l'habillement phrygien et la double lance.
Le culte de Bendis
devint très populaire en Attique au IV ème et III ème siècles av.
JC et s'étendit aux régions voisines. Le festival annuel de
Bendideia devint partie intégrante de la religion officielle à
Athènes au V ème siècle. Le caractère de cette célébration
suggère une proximité avec Artémis Mounychia, dont le sanctuaire
est sis non loin de celui de Bendis au Pirée.
Notre compréhension
de Bendis à Athènes est aussi complète que celle sur les autres
divinités grecques de la période classique, avec beaucoup de
représentations dans la littérature grecque et autant de preuves
matérielles. Cela suggère un culte communément accepté par les
autochtones en dépit de son origine étrangère.
Cependant la
situation en Thrace apparaît un peu plus complexe. Bendis était
connue dans le monde grec comme une divinité thrace. Une de
celles qui pourrait générer dans son pays d'origine de nombreuses
preuves sur son culte et sur elle-même. Toutefois nous n'avons
aucune preuve directe de la présence de Bendis en Thrace. L'unique
information provient des frontières du pays et, plus tard, dans les
contextes helléniste et romain. Les preuves archéologiques et
épigraphiques présentent souvent une image incomplète de cette
divinité. Dans plusieurs contextes, cette dernière est influencée
et identifiée à Artémis, Hécate, la Grande Déesse, Phosphoros et
d'autres encore.
L'équivalent le plus proche iconographiquement
est la déesse grecque Artémis. La majorité des preuves
iconographiques cependant provient de la période romaine, très
religieuse et syncrétique.
En conclusion, notre compréhension
du culte et de l'image de Bendis en Thrace est problématique car
elle repose à l'évidence par rapport à son foyer originel sur une
distance spatio-temporelle. Nous savons que Bendis fut adorée à
Athènes sans qu'il n'y ait aucune preuve qu'elle le fut en Thrace au
V ème siècle.
Source