samedi 9 mai 2015

The Goddess Hekate de Stephen Ronan, partie 4

Hécate dans l'Art de L.R. Farnell
traduction et adaptation de Serpentine

Triple Hécate au vase et au croissant de lune - misandre.canalblog.com


(Malgré les recherches effectuées, je n'ai pu retrouver toutes les œuvres illustrant l'ouvrage de M. Ronan. Hormis la première photo illustrant cette traduction, les autres photos sont celles des œuvres mentionnées dans le texte.)

Les traces laissées par les monuments sur la personnalité d'Hécate sont presque aussi nombreuses que celles de la littérature. Mais c'est dans la période la plus haute seulement qu'elles expriment sa nature plurielle et mystique.


Avant le V ième s., il y a une possibilité qu' Hécate fut habituellement représentée sous une forme simple comme tout autre divinité, et ce fut ainsi que les poètes béotiens l'imaginèrent. Leurs vers ne contiennent aucune allusion à une déesse à la triple forme.
La pièce la plus ancienne connue est une terre cuite de petite taille trouvée à Athènes comportant une dédication à Hécate dans le style du VI ième s. La déesse est assise sur un trône , la tête ceinte d'un lien. Elle est représentée sans attribut ou marque typique. La seule valeur de cette œuvre d'un type général évident est sa référence et la nomination de l'inscription, et cela prouve que la forme simple de la déesse est sa représentation la plus ancienne, tout comme sa reconnaissance à Athènes, avant l'invasion perse.

Avec cette exception, les vases à figures noires et ceux plus anciens à figures rouges sont les seuls pièces nous montrant Hécate dans les périodes archaïque et transitionnelle.
Sur ces vases, tout comme ceux de la période tardive, la forme de la déesse est simple et son attribut usuel est la double torche.
Aussi, aussi loin que nous pouvons définir la symbolique dans ses plus anciennes représentations, nous devons dire qu'il n'y a pas de référence à son caractère lunaire mais à son aspect de déesse du monde souterrain ou de la terre.

Ainsi sur le vase à figures noires de Berlin, nous voyons Hécate munie de torches se tenant proche de Koré. Entre elles, un Hermés chtonien chevauchant une chèvre.
Sous la même forme et avec des attributs identiques, elle est présente sur un vase de Nola représentant l'exposition de Triptolème avec le don des grains de céréales. Déméter, Proserpine,probablement Artémis, Hadès ainsi qu'Hécate sont également présents et, ici, sont associés aux divinités éleusiniennes de la végétation et du monde souterrain.
Cependant sur cette scène et une ou deux autres semblables d'autres vases, nous ne pouvons, en l'absence de preuve littéraire, assumer comme Steuding que la déesse ait jamais reçu de culte mystique à Éleusis. C'est une méthode commune aux peintres des vases que de représenter un groupe élargi dont certaines figures n'ont pas de prise directe avec le culte ou la légende.


D'autres représentations sur vase dans lesquelles Hécate apparaît la désignant clairement comme une divinité du monde souterrain sont très rares, et l'interprétation en ait souvent douteuse. Ainsi dans les illustrations variées du retour de Proserpine, une des figures est souvent reconnue comme celle d'Hécate qui pourrait être aussi Déméter portant une torche.
La seule certitude qui peut être relevée est dans une représentation sur vase du IV ième s. dans le style de l'Italie du sud au British Museum. Nous voyons la déesse couronnée d'un cercle rayonnant autour de sa tête et munie de torches précédent le chariot transportant Hadès et Proserpine. Il est impossible que cette figure soit celle de Sélène, Déméter ou d' une Furie. Il ne peut s'agir que d'Hécate apparaissant ici comme lunaire et probablement aussi comme une divinité du mariage, tout comme dans la Troade d'Euripide.


Ceci est presque tout ce que nous pouvons rassembler à propos d'Hécate à partir des vases peints toutes périodes confondues. Rien de distinctif sur sa forme ou sa tenue, et même les torches ne sont pas un élément sûr pour la reconnaître. Nous avons des informations sur l'apparence d'Hécate dans la peinture qui nous donnent certains détails là où les vases échouent à aider. Selon l'extrait mentionné par Eusèbe de Porphyre, elle était représentée vêtue d'une robe blanche et de sandales dorées dans une de ces figurations, de sandales dorées dans une autre. Mais c'est probablement un genre appartenant à la période artistique tardive.


Parmi les œuvres issues de la sculpture du V ième s., la représentation principale d'Hécate fut réalisée par Myron. Malheureusement tout ce que nous savons de cette statue est qu'elle montrait la déesse dans une forme simple et que cette œuvre avait été forgé pour le culte d'Egine. Si Myron, dans son œuvre, cédait au règne de la passion du mouvement dramatique, donc nous pourrions illustrer cette Hécate avec la fresque découverte à Thasos par le Dr Conze. La déesse y est vue drapée dans un long chiton, munie de deux torches, accompagnée de chiens sauvages bondissant à ses côtés.
Alcamène mettait en avant la forme triple d'Hécate qui est plus commune que la simple, si bien que celle ci de disparut jamais tout à fait. Pausanias, dans ces écrits bien connus, attribut à Alcamène lui-même l'invention de cette forme. Cependant tout ce que nous sommes en droit de conclure de ses écrits est qu'Alcamène fut le premier éminent sculpteur à sculpter une statue de la triple Hécate.
Il est probable que cette triple forme a été vue sur des monuments avant que l'oeuvre d'Alcamène fut produite. Mais la question de la signification de la triplicité doit être débattue en premier.



Quelques écrivains tardifs sur la mythologie, tels que Cornutus et Cléoméde, puis quelques modernes, comme Preller ou comme l'auteur dans le Lexicon de Roscher et Petersen, expliquent les trois figures comme le symbole des trois phases de la Lune. Mais peu d'entre eux se prononcent en faveur de cette idée, et beaucoup, contre. En premier lieu, la statue d'Alcamène représente Hécate Epipurguidia, considérée par les athéniens durant une période comme la gardienne des portes de l'Acropole. A cet endroit, elle est associée aux Charites, divinités de vie rattachées aux floraisons et aux fruits. Ni à cet endroit ni devant les portes de la maison du citoyen elle n'apparaît comme une déesse lunaire.

Nous pourrions aussi demander : pourquoi une divinité, qui fut considérée par fois comme la lune alors qu'elle avait de nombreuses et plus importantes connexions , a été représentée sous une forme triple soulignant les phases de la lune ? Et pourquoi la sculpture grecque est coupable d'avoir produit le seul exemple de symbolisme astronomique, alors que Séléné, qui est évidemment la lune et rien d'autre, n'a jamais été traitée de la même façon ? Dans le même ordre, Hélios aurait pu être représenté avec douze têtes.
Si cela avait vraiment été l'intention d'Alcamène, il est difficile de savoir comment il a pu réalisé une telle représentation pour une place publique athénienne. Et nous oublions aussi souvent de nous demander comment le grec ordinaire considérait ce monument. Il est plus certain que douteux qu'Alcamène apposa un croissant au front de chacune des figures, ils ne seraient pas clairement reconnus comme des phases de la lune. Il a pu l'avoir fait ou fait autre chose encore, tout comme nous ne savons rien des détails de cette œuvre.

Fresque égéenne
Mais, comme c'est le dernier monument montrant le croissant, et que ce dernier est sur une seule figure, il est peu probable qu'Alcamène ait placé cet insigne sur toutes.


Sur la fresque trouvée à Egine nous voyons qu'une figure tient les torches, la seconde, une cruche et la troisième, une coupe. Petersen suppose que ces objets sont des allusions à la lune laissant la gracieuse rosée sur l'herbe. La torche pourrait suggérer aux grecs , mais pas toujours, que la personne qui la porte est Séléné. Mais quelle preuve avons-nous que la cruche et la coupe fassent allusion à la rosée et qu'ils soient des symboles courants liés à la déesse de la lune ? Pour la représentation arborant ces objets, elle pourrait certainement être reconnue comme Séléné si elle fut la porteuse de coupe par excellence. Mais elle ne l'est pas. Cependant si la représentation d'Alcamène portait simplement une torche, une coupe et une cruche, la grande idée que la triple forme symboliserait les trois phase de la lune de rosée aurait été révélée au public.
En fait, parmi les nombreux monuments tardifs qui représentent la triple Hécate, aucune n'arbore quelques attributs ou propriétés pouvant désigner Séléné. Nous ne pouvons appliquer le nom avec certitude qu' à une seule de ces représentations.
Une seconde explication qui demeure aussi par une ancienne autorité est que la triple forme se réfère à l'idée hésiodique de la déesse d'une divinité aux nombreux éléments. Que l'hekateion est en fait une trinité de Séléne, Perséphone et Artémis, ou représente le « koré phosphoros » sous la forme et avec les attributs découlant de la lune, du monde souterrain et de la terre.
Une telle explication peut être renforcée par l'analogie de figures similaires tel le Zeus bicéphale, « Zeus triophthalmos », et peut-être par le Borée bicéphale d'un vase illustrant la poursuite d'Orythyia.
L'objection à cette opinion est plus insuffisante qu'incorrect. Artémis, Déméter, Hermés, Aphrodite ont chacun plusieurs natures, différentes sphères d'action, mais l'idée de représenter chacun d'eux de façon trine ou multiples n'est illustrée par aucune artiste grec.
Et bien que Hécate peut avoir été ordinairement reconnue comme une déesse des trois mondes, ayant une association avec Séléné, Artémis et Perséphone, une triple forme qui lui aurait à peine été donnée pour cette raison seule, qui n'avait pas cette représentation pour des raisons pratiques liées aux carrefours à trois branches.
Il est vrai que nous n'avons pas de preuve certaine que cette représentation n'avait pas cours avant Alcamène, mais c'est la seule explication raisonnable pour le choix de la forme triple de la statue destinée à l'entrée de l'Acropole. Tout ce que nous avons besoin de supposer est que l'Hékateia des carrefours ou au front des maisons comportait déjà trois têtes. Cela aurait pu suggérer à Alcamène d'élargir ce type figuratif dont l'origine serait une pure convenance d'ordre pratique et d'assembler trois figures autour d'une colonne ou dos à dos, autant investir chacune des figures d'attributs se référant à la nature complexe de la divinité, de sorte que la triplicité n'était plus seulement une convenance mais l'expression du caractère essentiel.
Après Alcamène, il n'y eut plus de grand sculpteur auquel fut attribué une triple Hécate.. Parmis les nombreuses représentations parvenues jusqu'à nous, nous aurions pu nous attendre à trouver quelques traces de l'influence de son œuvre.
Cela ne coûte rien de regarder des œuvres telles que l'Hécate du Capitolin ou du Leyden Museum comme des copies. Il n'y a rien dans leur style qui n'ait trait même de loin à la période d'Alcamène.

Hécate  du capitolin - musée Leyden


Mais la prétention de la fresque trouvée à Egine, et maintenant au Konigswart en Bohême de représenter quelque chose de l'esprit de l'oeuvre original est certainement la meilleur. L’œuvre apparaît comme étant du IV ième s. av. JC et possède un considérable intérêt artistique. Pour autant qu' il peut être jugé des publications, les visages ont une dignité et une grandeur rappelant le plus vieux style, les cheveux dégagent les joues et l'expression est austère, solennelle. Mais l'archaïsme dans le traitement du drapé n'est ce qui peut être attendu de la part d'un élève de Phidias, à moins que cela ne soit retenu comme une tradition de sculpture hiératique. Et Petersen peut avoir raison au regard du dernier fragment trouvé d'un hekateion, qu'il a publié dans le Römische Mittheilungen des deutschen Institutes, comme très proche du travail d'Alcamène.
Malheureusement, rien ne fut préservé que les trois torses mis dos à dos. De la position des bras, nous pouvons conjecturer que les mains tiennent des attributs tels que cruche, coupe ou torche. Ce qui est le plus important avec ce fragment est la façon dont est traité le drapé qui montre des plis et un arrangement commun au travail de l'école de Phidias, la ceinture cachée, et le pli supérieur du chiton tombant bas de façon à former un large bord autour de la taille.
Parmi les derniers monuments représentant la triple Hécate, nous trouvons l'illustration de presque toutes les idées religieuses qui ont déjà été examinées.

Sa connexion avec les Charites à Athènes explique ces œuvres dans lesquelles, sous l'Hermé de la triple déesse, trois jeunes filles dansant main dans la main autour d'un mât. Les jeunes filles portent le calathus – emblème de fertilité – sur leur tête, et elles-mêmes avaient une proximité dans la forme attribuée à Hécate.
La même idée, son association avec la terre fertile, est exprimée par le symbole de la pomme dont une à plusieurs figures de ce trio l'ont souvent en main, comme sur un monument de Catajo à Vienne, ou par les fruits qui sont quelquefois gravés sur le mât de la colonne d'Hécate. Entre les épaules des figures sur le monument mentionné, il est possible de voir une petite statue de Pan. Et quelques associations avec le culte phrygien peut expliquer la cape phrygienne que l'une des figures porte dans un bronze du Capitolin et un autre bronze du British Museum.
La personnalité de l'Hécate Kleidouchos, la gardienne des portes, est identifiée par la clef qui visible dans sa main dans plusieurs de ses représentations. Il est possible que cela fasse allusion non seulement aux portes de la maison et de la ville mais aussi aux portes des enfers qu'elle est supposée garder. La clef est connue pour être aussi un des insignes d'Hadès.

Les dernières pièces de monnaie et gemmes et encore sculptures fournissant une ample illustration de son terrifiant aspect infernal. Parfois sa chevelure est serpentine, comme celle de la Gorgone, ou le serpent est dans sa main, un symbole de signification égale avec le fouet et la corde qu'elle partage avec les Furies. L'épée ou la dague qu'elle arbore souvent se réfère à la déesse des châtiments.
Un monument empli d'illustrations archéologiques d
'idées étranges sur ce culte demeure l'Hekateion de marbre de la collection Bruckental à Hermanstadt.
L'avant de l'ensemble est divisé par des lignes parallèles formant des saynètes.
Sur les épaules sont gravés en bas-relief deux figures, l'un étant Tyché tenant une corne et l'autre qui serait peut-être Némésis. Sur la poitrine, un soleil levant est visible. Dans la seconde scène se trouvent des femmes avec des enfants, Hermès avec un caducée et deux animaux, probablement des chiens.
La troisième scène peut être interprétée comme l'initiation d'un enfant. Une Hécate triple se dresse à gauche, et à la droite, une femme pointe un couteau sur un animal qui semble être un petit chien.

Sur les gemmes tardives, nous trouvons parfois un aspect lunaire clairement affiché, telle la gemme publiée par Müller, où la lune juchée sur un nuage Hécate.
Cette représentation montre les différentes interprétations de la triple forme : trois têtes et six mains. Seul la partie basse du corps se rapproche de l'Artémis éphésienne. Nous avons là très certainement une véritable réminiscence d'un culte de même origine. Et nous trouvons des têtes de taureaux forgées sur l'idole d’Éphèse comme ici, sur la gemme nous pouvons constater la présence de taureaux aux pieds d'Hécate.

Ce type de représentation d'un corps simple surmonté de trois têtes peut dérivé des hermaion des rues et des carrefours dont il existait dans la période tardive des représentations à trois corps, ce qui qui devait être beaucoup moins en usage dans les temples-monuments où Hécate était représentée dans une action dramatique. La forme-type était plus en usage et aura des mouvements plus naturels que la trinité à trois figures complètes.

L'exemple le plus mémorable d'un corps simple avec les six bras et les trois têtes fut trouvé sur la frise de Pergame où elle est armée d'une lance, d'une épée, d'un bouclier et d'une torche, combattant un géant aux jambes serpentines.

Hecate - Frise de Pergame

Il est intéressant de noter que la forme de la déesse dans ce dernier monument de la véritable sculpture grecque est libérée de ses traits terrifiants et du symbolisme ampoulé qu'elle acquiert dans la littérature et les arts par la suite.
La divinité du monde souterrain a le front bombé, les cheveux retombant dessus, son expression est sérieuse et fixe, la solennité que les ombres jette sur les profils. Ici, tout comme dans la peinture sur vase des premières périodes et dans le relief égéen, les formes et le drapé sont ceux propres à la déesse vierge.

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