lundi 3 septembre 2018

Etre Druide Aujourd'hui par John Michael Greer

Traduction et adaptation par Delphine Serpentine


 John Michael Greer, un étudiant au long cours de l’ésotérisme occidental et auteurs de nombreux livres et articles sur des sujets occultes, est à la tête de l’Ancient Order of Druids in America (AODA), un ordre druidique résurgent en 1912. Egalement compagnon Druide dans l’Order of Bards Ovates et Druids (OBAD), un des plus grands ordres druidiques contemporains il reçoit OBOD’sMount Haemus award des érudits druidiques en 2003. Il vit à Medford dans l’Oregon. Il est joignable via le site de l’AODA,  www.aoda.org



Les Druides des origines, une caste religieuse des anciens peuples celtes de Bretagne, d’Irlande et de Gaule, s’éteignirent il y a plus d’un millénaire. Très peu d’informations à leur propos ont traversé les siècles : quelques références de seconde ou troisième main provenant de textes grecs et romains, quelques anecdotes dans les légendes irlandaises retranscrites longtemps après durant l’avènement du Christianisme et les témoignages ambigus de l’archéologie ? Malgré les travaux de générations d’érudits et archéologues, la réponse à la plus honnête à la plupart des questions sur les anciens Druides est toujours «  nous ne savons pas ».

Depuis 300 ans, le maigre héritage des anciens Druides a inspiré des personnes à suivre la voie Druidique. Le contexte historique de la résurgence Druidique est facile à comprendre, voici pourquoi : le moment de l’émergence du Druidisme moderne a été témoin de la Révolution Industrielle, et le triomphe d’une idéologie qui envisageait la Nature comme une simple source de matières premières ainsi qu’un vaste dépotoir. 

A l’aube du XVIII ième siècle, ceux qui désirent développer une spiritualité et un art de vivre en harmonie avec la nature, trouvent dans les anciens Druides un symbole potentiel pour leurs espoirs. L’image d’une prêtrise de la nature, se déroulant dans des bosquets de chênes et des cercles de pierres sous le vaste ciel, inspire les Druides pionniers, tels que John Toland et William Stukeley, à proposer un Druidisme centré sur la nature, ce qui est profondément pertinent à l’âge moderne. Le résultat fut la Résurgence Druidique – un mouvement spirituel autour de la nature qui s’épanouit depuis, maintenant, 300 ans.
Ce mouvement est inspiré par les Druides anciens mais prend sa source dans diverses traditions spirituelles de monde entier, unies par un respect passionné pour la Terre vivante et une tradition de tolérance présents en chaque Druide de nombreuses et différentes voies  afin de pouvoir travailler et de réaliser leur culte ensemble, dans la paix. Cette vision du Druidisme guide toujours beaucoup de Druides d’aujourd’hui, et qui a de profondes racines dans l’imaginaire culturel du monde occidental. 

Pourtant, cette vision s'est mêlée aux luttes historiques des nations celtiques modernes pour l'autodétermination contre les États territoriaux de la Grande-Bretagne et de la France. Ces luttes ont amené un courant de nationalisme culturel parfois dramatique dans le druidisme, qui fut alimenté par la vision candide du romantisme du XIXe siècle. Le XXe siècle a apporté une société de consommation dans laquelle tout, y compris les cultures, pouvait être acheté et porté comme un vêtement de marque, et la fin du XXe siècle a ajouté une répulsion généralisée contre cette société qui ne remettait pas en cause ses idées préconçues.

Les cultures celtiques anciennes et le monde qu’ils habitaient n’existent plus. Si le Druidisme doit avoir un futur, il doit se baser sur le fait que c’est un Druidisme d’aujourd’hui à vivre dans un monde moderne. 


Ces changements ont donné jour à une nouvelle forme de Druidisme, un  qui concentre ces efforts sur une réactualisation historiquement juste de la religion celtique païenne. Ces Druides « reconstructionniste » ont réalisé de véritables contribution aux traditions druidiques modernes, plus particulièrement en rendant les sources sur les études celtiques disponibles et en triant les racines historiques, souvent embrouillées, des traditions druidiques modernes. Pourtant, certains porte-paroles du Reconstructionnisme ont pris l'habitude d'insister sur le fait que leur tradition est la seule valide, et que le Druidisme, dans son ensemble, devrait abandonner l'héritage de 300 ans de Druidisme "moderne". Porté à son extrême logique, comme c'est parfois le cas, cet argument fait amène le  Druidisme  comme un anachronisme religieux dans la société.
Une telle situation invite à la satire, mais de réels problèmes sont en jeu. Les cultures celtiques anciennes et leur monde n’existent plus. Les peuples celtiques modernes sont des peuples modernes, vivant dans une société dans laquelle Cu Chulainn serait désespérément perdu. C’est une erreur séduisante de penser que nous pouvons fuir les impératifs de notre temps en fuyant vers une utopie tribale celtique, mais il est impossible de remonter le temps, nous demeurons des gens d’aujourd’hui, peu importe ce que nous pouvons prétendre d’autre. En fait, au 21 ème siècle, prétendre être quelqu’un d’autre est une mode, la « rébellion » d’aujourd’hui de vouloir être un celte ancien est simplement une autre manifestation de la conformité.

Ainsi si le Druidisme a un futur, il doit s’accomplir avec une conscience claire que les Druides d’aujourd’hui vivent leur vie et suivent leur voie druidique dans un monde moderne. Par cette conscience, la vision essentielle de la réémergence druidique – la vision d’une spiritualité naturocentrée inspirée par d’anciens modèles mais attentives aux préoccupations modernes— a beaucoup à offrir. Cette approche du Druidisme peut coexister avec une appréciation des arts, des cultures et langages des peuples celtes anciens et nouveaux, et c’est une vraie chance que cela puisse se faire. Pourtant, l'adoption des signes extérieurs, de la musique, de la langue, ou des préoccupations politiques d’une autre culture, ancienne ou moderne, n'est pas la même chose que la poursuite d'un chemin spirituel, et quand ceux-ci se confondent, c'est généralement la dimension spirituelle qui est laissée de côté.

En outre, les cultures celtiques ne sont pas les seules ressources valables pour un druidisme moderne. Un druide qui pratique Tai Chi et joue au shakuhachi peut être tout autant d'un druide que celui qui parle couramment le vieux irlandais et ne laisserait jamais ses oreilles être profanées par la musique non-celtique. Si le premier transforme son quartier en zone verte avec des arbres nouvellement plantés, alors que le second ne saurait pas reconnaître un bac de recyclage s’il en voyait un. Il y a des chances que le joueur de shakuhachi druidique soit plus significatif.
Chaque tradition spirituelle vivante croît et change au fil du temps; une tradition qui s'intéresse uniquement à son passé peut se priver d'un avenir. Les débats sur l'authenticité historique n'offrent aucune orientation sur les questions plus importantes de validité spirituelle et de pertinence pour les besoins contemporains. Les questions que nous avons le plus besoin de poser sur les traditions druidiques d'aujourd'hui ne sont pas "sont-elles authentiques?" ou «correspondent-elles aux opinions savantes actuelles sur l'antiquité celtique?» mais plutôt "Rendent-elles les gens qui les suivent plus sages et plus humains?" et «aident-elles à apporter la guérison à la terre?
Ainsi, la pertinence des problèmes et des possibilités du monde moderne, et non pas une obéissance rigide aux traditions d'un passé idéalisé, définissent les questions fondamentales auxquelles doit faire face aujourd'hui le druidisme. Le plus critique : la crise écologique et la lutte pour y répondre avec des technologies durables et respectueuses de l'environnement offrent des défis cruciaux et des possibilités pour les druides d'aujourd'hui, comme à tous d’ailleurs. Les anciens Celtes n'avaient pas à faire face à un système industriel mondial. Les fondateurs de la Renaissance Druidique ont vécu pendant les premières années de l'industrialisation, et ont jeté les fondations du druidisme moderne afin de la contrer. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à toutes les conséquences de l'industrialisation déchaînée. Nous pouvons nous inspirer des anciens druides, nous pouvons valoriser les idées et les traditions de la Renaissance, mais l'outil de la druidisation d'aujourd'hui doit se remodeler pour faire face au grand défi de notre propre temps.

Être un druide aujourd'hui signifie apprendre à prendre moins de la nature et de donner plus de retour, en remodelant chaque détail de notre vie quotidienne afin d'honorer et de guérir la terre vivante. Être un druide signifie composter des pelures de légumes au lieu de les envoyer dans une décharge; Cela signifie marcher ou faire du vélo au lieu de remplir l'air avec des émanations d'échappement; Il s'agit d'acheter des produits d'épicerie provenant d'agriculteurs biologiques locaux au lieu de produits issus l’industrie mondiale. Ces actes sont des nécessités pratiques pour tous ceux qui reconnaissent l'interdépendance de toute vie. Pour les druides, et tous ceux qui suivent des sentiers centrés sur la nature, ces choses sont aussi des actes de culte, des disciplines de l'esprit, des offrandes que nous faisons à la Terre-Mère sur laquelle nous vivons.

Pour beaucoup de druides modernes, moi inclus, de telles préoccupations définissent le cœur du druidisme d'aujourd'hui, et le fait qu'ils trouvent que quelques échos dans l'antiquité celtique ne diminue pas leur importance. Comme chemin pratique  de la spiritualité enracinée dans les besoins les plus pressants du présent, un tel druidisme écologique a beaucoup à offrir. Si le druide d'aujourd'hui est connu pour les arbres qu'il plante, les ressources qu'il économise ou recycle, les écosystèmes qu'il conserve et reconstruit, et l'utilisation réfléchie et efficace qu'il fait du soleil, du vent et de l'eau à la place du pétrole, du charbon et de l'uranium, il donnera un cadeau précieux pour le monde entier,et il trouvera sa place parmi les traditions spirituelles vivantes de l'avenir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire